mise en scène
opéra
Opéra Magazine, Jean-Luc Macia
Manfred est une œuvre hétéroclite, d’autant plus difficile à cerner et à visualiser que, peu de temps après la mort de Schumann, il fût décidé de concentrer les différentes parties de récitant en une seule, confiée au personnage principal, chargé de parler pour tous en un « théâtre mental ». Avec son complice Giacomo Strada, Sandra Pocceschi n’en est pas moins parvenue à créer l’illusion d’une cohérence dramatique. Un grand cube translucide occupe le centre du plateau, sur lequel sont projetées des images vidéo. Manfred y pénètre, y change de personnage (enfant, chamois, amoureux transi, philosophe suicidaire), au milieu de montagnes ou dans un brouillard évanescent. Peu à peu, les faces du cube s’ouvrent, puis s’étalent sur le sol, pour former une croix à la mort du héros. Tout autour, les choristes sont assis dans la pénombre… Leur entrée dans la lumière n’en deviendra que plus spectaculaire. Autre image marquante : la course effrénée de Manfred en chamois, poursuivi par un chasseur impitoyable. Par la magie des transformations du héros, le spectacle trouve sa logique dramatique, en éclairant fugitivement les mystères d’une âme défiant Dieu et Satan pour revendiquer son moi surdimensionné, parce que romantique.
Concert Classic, Alain Cochard
Reste que le spectacle du monde à rendu Manfred fou et c’est bien dans cette folie que S. Pocceschi nous embarque. Scénographie simplissime et efficace avec en milieu de scène un grand cube blanc translucide – selon les besoins, il s’ouvrira, de dépliera, pour finir par figurer la sainte croix au terme de la dernière partie – qui sert de support à des vidéos très réussies (bravo au Studio Ancarani ; Caterina Vigano, Simone Rovellini, Karol Sudolski), et enferme parfois le héros pour figurer son espace mental, sa « solitude peuplée de furies ». Rêve ? Réalité ? Qu’importe … Le spectateur est convié à une sort d’excursion immobile dans la psyché troublée d’un héros auquel la mise en scène impose une série de métamorphoses (animal – un bouquetin qu’un chasseur finit par abattre –, enfant, fou, femme), parvenant avec l’aide de la vidéo et des lumières (signées Matteo Bambi) à un spectacle offrant des moments d’une grande intensité visuelle et poétique (accrue par d’opportuns bruits de nature). On n’en attendait pas moins de la part d’une artiste à suivre avec attention.
Opera Online, Elodie Martinez
Un véritable défi de mise en scène qu’ont relevé avec brio Sandra Pocceschi et Giacomo Strada. Respectant l’œuvre dans sa folie et dans sa forme multiple, ils font concorder le mélange des mouvements à l’évolution de Manfred : de magicien, il deviendra homme, tout puissant et impuissant, désespéré mais espérant, souhaitant mourir mais ne mourant pas, souhaitant oublier mais n’oubliant pas… Loin de fuir les paradoxes de l’œuvre, les metteurs en scène s’y confrontent et parviennent à faire beaucoup avec peu : un cube posé au centre de la scène, à la fois écran pour les projections vidéos et petite pièce dans laquelle s’enferme Manfred. Il suffira d’une table et du jeu d’acteur de Julien Testard pour que le vide de la montagne se crée sous nos yeux. Une tête de chamois décoratrice prendra vie lorsque le héros la mettra sur sa propre tête, galopant sur scène à l’aide de deux béquilles issues de chaises pour recréer les sabots de l’animal. Le cube s’ouvrira petit à petit, devenant mur, passage, puis croix au sol lorsque viendront l’abbé et l’heure de la mort de Manfred. Les vêtements eux-mêmes seront détournés : le pantalon deviendra comme un pull sur les épaules, le veston une sorte de culotte, les chaussettes des gants, etc. L’ingéniosité et les jeux de lumières de Matteo Bambi permettent ainsi de faire fi des formes pour en créer de nouvelles, en parfait parallèle avec la nature de l’œuvre.
Olyrix, Emmanuel Deroeux
La conception scénique est intelligente et efficace. Il est même difficile d’imaginer alors Manfred sans représentation scénique, celle-ci semblant être imaginée en collaboration avec l’auteur, comme pour une création contemporaine.
Anaclase, IF
Au centre du plateau, un cube transparent sur les parois duquel sont projetées quelques séquences filmées : successivement THE END au lever du rideau, puis une femme qui marche dans un sous-bois, des cimes montagneuses enneigées, un récipient qui se remplit d’eau et quelques gouttes (de sang ?) qui tombent et colorent l’ensemble, le rouge qui domine également avec de la fumée sortant du cube pour évoquer les esprits infernaux chez Arimane, et enfin, diffusé alors sur toutes les faces du cube développé, un somptueux ciel nuageux au tombé du jour qui se transforme en nuit étoilée pour les adieux de Manfred au monde. De petites saynètes se déroulent à l’intérieur : un couple souffle les bougies d’un gâteau d’anniversaire, puis Manfred étreint le corps sans vie de sa bien-aimée, ensuite il s’adresse, debout en équilibre sur une chaise posée sur la table, à la tête de chamois accrochée en trophée pour lui décrire les beautés de la nature. Il enfile ensuite cette tête de chamois, utilise deux petites béquilles en prolongement de ses bras pour se métamorphoser en animal à quatre pattes. Il galope joyeusement et pousse le mimétisme jusqu’à donner rageusement de petits coups de cornes dans une chaise, avant d’être abattu de deux coups de fusil. La performance du comédien Julien Testard dans le rôle-titre, qui porte à lui seul la majeure partie du spectacle, est remarquable.
Midi libre, Michèle Fizaine
Sandra Pocceschi investit le délire de Byron dans une belle mise en espace, avec un cube qui évolue selon l’idée. Clinique au départ, du côté de Freud et Charcot, il accueille la nature et les éléments. L’épisode du chamois voit l’acteur bondissant jusqu’à la mort, une image si forte qu’on est déçu d’en revenir.